Le projet de loi 69

Introduction et mise en contexte

Le projet de loi n° 69, déposé à l’Assemblée nationale du Québec le 6 juin 2024, s’inscrit dans un effort de modernisation des lois entourant le secteur de l’énergie, dans un contexte où le Québec s’est engagé à atteindre la décarbonation de son économie d’ici 2050. Ce projet de loi, intitulé Loi assurant la gouvernance responsable des ressources énergétiques et modifiant diverses dispositions législatives, vise à adapter les cadres législatifs et réglementaires pour répondre aux défis d’une transition énergétique majeure. 

Environ 50 % de l’énergie consommée au Québec provient encore de combustibles fossiles, ce qui donne une idée de l’ampleur des défis à relever pour y arriver.

Pour réussir cette transition, le gouvernement du Québec propose des actions pour accroître l’efficacité énergétique, diversifier et augmenter les sources d’approvisionnement en énergies renouvelables, et investir dans les infrastructures existantes pour optimiser la production. Les modifications législatives envisagées couvrent plusieurs axes, notamment l’accélération des projets énergétiques, la gouvernance du secteur, la gestion de l’offre et de la demande, ainsi que la tarification de l’électricité et du gaz naturel.

Tel qu’il est proposé, le projet de loi n° 69 semble privilégier une approche centrée sur la maximisation des gains économiques ($) et des mégawatts (MW), tout en négligeant d’autres aspects cruciaux liés à la justice sociale, à l’équité environnementale et à la transition énergétique. L’allocation prioritaire des nouvelles ressources énergétiques à des fins d’industrialisation, particulièrement d’origine étrangère, et non de décarbonation, compromet la transition énergétique de la province. Autrement dit, l’électricité « propre » du Québec est mise au service de la croissance économique et du développement industriel plutôt qu’au service de la décarbonation complète des bâtiments.

Le saviez-vous ?

Le mot décarbonation n’apparaît pas dans le projet de loi 69.

Synthèse de nos recommandations

Le projet de loi n° 69 introduit des mesures importantes pour la stratégie énergétique du Québec sans qu’un véritable débat public ait eu lieu au préalable. Il confère au ou à la ministre la responsabilité de créer un Plan de gestion intégrée des ressources énergétiques (PGIRE), alors que ce plan aurait dû être déterminé avant le dépôt du projet de loi. Il est essentiel d’organiser un débat de société incluant les citoyen.ne.s, les expert.e.s et les organisations de la société civile pour discuter des priorités énergétiques du Québec. Le projet de loi doit également reconnaître et respecter pleinement les droits des peuples autochtones, en garantissant leur participation active dans les décisions concernant leurs territoires. Une révision complète est nécessaire pour intégrer un processus de consultation transparent et inclusif.

Le projet de loi n° 69 conserve l’article 49 de la Loi sur la Régie de l’énergie, qui favorise l’équité entre les catégories de clients et la concurrence entre les formes d’énergie, incluant le gaz naturel. Cela pourrait maintenir la compétitivité du gaz face à l’électricité, alors que cette dernière, majoritairement issue de sources renouvelables au Québec, devrait être priorisée dans une stratégie de transition énergétique. Le gaz naturel, bien qu’il soit présenté comme une énergie de transition, reste une énergie fossile contribuant aux émissions de gaz à effet de serre. Il est crucial de réviser le projet de loi pour privilégier l’électricité et arrêter les subventions au gaz naturel, alignant ainsi les politiques énergétiques avec les objectifs climatiques et l’engagement du Québec dans l’Alliance au-delà du pétrole et du gaz (BOGA). Le Québec doit montrer l’exemple en réduisant sa propre consommation d’énergies fossiles.

Le projet de loi n° 69 modifie la mission de la Régie de l’énergie en conciliant l’intérêt public avec ceux des transporteurs et distributeurs d’électricité, tout en prônant une transition énergétique « au moindre coût ». Ce changement est préoccupant, car il met les intérêts commerciaux au même niveau que l’intérêt public, risquant de favoriser les profits des entreprises au détriment des consommateur.trice.s et de l’environnement. La notion de « moindre coût » est trompeuse, car elle peut entraîner des investissements dans des infrastructures comme la biénergie, qui risquent de devenir obsolètes. La Régie devrait se concentrer exclusivement sur l’intérêt public et sur une transition énergétique durable, sans compromis avec les intérêts financiers des entreprises.

Le projet de loi n° 69 favorise la biénergie électricité-gaz naturel pour gérer la pointe de la demande électrique, mais cette approche présente des coûts économiques et environnementaux élevés. Une étude d’Écohabitation démontre que la combinaison thermopompe-accumulateur de chaleur est une solution plus économique et écologique. Cette alternative permettrait de réduire les coûts de chauffage de 17 % en moyenne par rapport à la biénergie, sans émissions de gaz à effet de serre, tout en évitant une dépendance prolongée au gaz naturel. De plus, l’entente entre Hydro-Québec et Énergir coûterait 2,4 milliards de dollars d’ici 2050, un fardeau qui sera supporté par les consommateur.trice.s. Il serait plus judicieux d’investir dans des systèmes de chauffage entièrement électriques, contribuant ainsi aux objectifs climatiques du Québec.

Le système de tarification progressive de l’électricité est un exemple de justice tarifaire, car il pénalise les usages excessifs tout en protégeant les ménages à faible revenu. En revanche, la tarification dégressive du gaz encourage une consommation accrue en réduisant le coût des unités supplémentaires consommées, ce qui va à l’encontre des objectifs de sobriété énergétique et des cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre du Québec. Cette structure tarifaire profite surtout aux ménages aisés, tout en exposant les populations vulnérables aux risques pour la santé liés à la pollution. Adopter une tarification progressive pour le gaz permettrait de décourager les usages excessifs et de promouvoir une justice énergétique, en protégeant les foyers modestes des effets néfastes de la consommation de gaz.

La modification proposée à l’article 77, qui remplace l’obligation de « livrer » par celle de « distribuer » le gaz naturel, peut sembler mineure mais a des implications significatives. En imposant cette obligation, le gouvernement justifie la préservation du réseau de gaz fossile en prétendant qu’il servira à distribuer du gaz renouvelable. Cependant, cela compromet les objectifs de réduction des émissions, car le gaz renouvelable ne peut remplacer le gaz fossile à grande échelle. Des études montrent que les volumes de biomasse disponibles pour produire du gaz naturel renouvelable (GNR) sont insuffisants. Le projet de loi devrait plutôt viser à supprimer progressivement cette obligation et réorienter les investissements vers l’électricité propre, afin de soutenir une véritable transition énergétique.

Un des aspects les plus préoccupants du projet de loi n° 69 est la manière dont il propose de financer la transition énergétique. Actuellement, le gouvernement repose principalement sur les tarifs d’électricité propre pour financer cette transition, ce qui contredit le principe de pollueur-payeur. Cette approche régressive fait peser le fardeau sur les consommateur.trice.s d’énergie renouvelable, alors que les industries polluantes continuent à bénéficier d’un traitement privilégié. Le gouvernement devrait plutôt utiliser des mécanismes alternatifs, comme le Fonds d’électrification et de changements climatiques ou une réforme fiscale, afin de répartir équitablement les coûts selon les principes de justice environnementale et sociale, en faisant payer les plus grands pollueurs leur juste part.

Le projet de loi n° 69 centralise davantage les pouvoirs entre les mains du ou de la ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, sans instaurer de mécanismes adéquats de consultation publique ou de contrôle des décisions. En affaiblissant la reddition de comptes et le rôle de la Régie de l’énergie, ce projet crée un cadre opaque où des décisions peuvent être prises sans évaluation approfondie de leurs impacts et sans consulter la société civile. Pour assurer une gouvernance énergétique transparente et équitable, le rôle de la Régie doit être renforcé, et toute réforme énergétique doit inclure de véritables consultations publiques.

Le projet de loi n° 69 ouvre la voie à une privatisation partielle du secteur énergétique en permettant l’autoproduction et la vente privée d’électricité. Bien que présentée comme une mesure pour encourager la production d’énergie renouvelable, cette initiative pourrait détourner des ressources essentielles vers le secteur privé et menacer l’essence même d’Hydro-Québec, une société d’État qui garantit que l’énergie bénéficie à l’ensemble de la population québécoise. Cette privatisation risque d’affaiblir le modèle de gestion publique de l’énergie et de favoriser des intérêts privés au détriment du bien collectif. De plus, des entreprises comme Énergir, soutenues par des acteurs financiers, continuent de promouvoir des solutions « vertes » qui ne font que retarder la véritable décarbonation, tout en maintenant une dépendance aux infrastructures fossiles sous couvert de transition écologique.

Le gouvernement a aussi un rôle essentiel à jouer en soutenant les travailleurs et travailleuses d’Énergir pour qu’ils et elles puissent se repositionner dans une économie décarbonée. Cela implique la mise en place de programmes de formation et de reconversion professionnelle adaptés, afin de les préparer à intégrer des secteurs plus durables, comme les énergies renouvelables. En accompagnant cette transition de manière juste et équitable, le gouvernement peut non seulement protéger ces emplois, mais aussi favoriser l’essor d’une main-d’œuvre qualifiée dans les industries de l’avenir. Ce soutien est crucial pour assurer que la transition énergétique ne laisse personne de côté et qu’elle contribue à une économie plus verte et inclusive.

Le projet de loi n° 69 se concentre sur l’augmentation de la production d’énergie, tout en maintenant un soutien au gaz, sans fixer d’objectifs contraignants pour réduire l’utilisation des énergies fossiles. Une transition énergétique durable nécessite non seulement de remplacer ces sources polluantes par des énergies renouvelables, mais aussi de fixer des objectifs précis de réduction de la consommation de combustibles fossiles. Le projet de loi devrait inclure des cibles spécifiques et des échéanciers dans le Plan de gestion intégrée des ressources énergétiques (PGIRE) pour garantir cette réduction, tout en encourageant les entreprises à décarboner leurs opérations avec l’électricité renouvelable.

La transition énergétique ne doit pas uniquement se concentrer sur la production accrue d’énergie, mais aussi sur la sobriété énergétique et l’optimisation des ressources existantes. Des technologies comme la réutilisation de la chaleur industrielle et la géothermie peuvent améliorer l’efficacité énergétique sans recourir à de nouvelles infrastructures. Le projet de loi devrait inclure des mesures incitatives pour adopter ces technologies, contribuant ainsi à une utilisation plus efficace de l’énergie et à la réduction de la consommation globale, tout en maintenant des tarifs équitables pour les consommateur.trice.s.

« En matière de transition énergétique, la nature est totalement dans l’angle mort du gouvernement. Le projet de loi sur l’énergie doit permettre au Québec de décarboner la société, mais ce travail n’est pas juste une question de mégawatts à produire. Nous devons répondre à la crise climatique et à la dégradation de la biodiversité, sans oublier les impacts sur les milieux naturels du développement énergétique »

« En matière de transition énergétique, la nature est totalement dans l’angle mort du gouvernement. Le projet de loi sur l’énergie doit permettre au Québec de décarboner la société, mais ce travail n’est pas juste une question de mégawatts à produire. Nous devons répondre à la crise climatique et à la dégradation de la biodiversité, sans oublier les impacts sur les milieux naturels du développement énergétique »

Alice-Anne Simard

Directrice générale, Nature Québec

« En matière de transition énergétique, la nature est totalement dans l’angle mort du gouvernement. Le projet de loi sur l’énergie doit permettre au Québec de décarboner la société, mais ce travail n’est pas juste une question de mégawatts à produire. Nous devons répondre à la crise climatique et à la dégradation de la biodiversité, sans oublier les impacts sur les milieux naturels du développement énergétique »

« En matière de transition énergétique, la nature est totalement dans l’angle mort du gouvernement. Le projet de loi sur l’énergie doit permettre au Québec de décarboner la société, mais ce travail n’est pas juste une question de mégawatts à produire. Nous devons répondre à la crise climatique et à la dégradation de la biodiversité, sans oublier les impacts sur les milieux naturels du développement énergétique »

Alice-Anne Simard

Directrice générale, Nature Québec

« La plus grave crise de l’histoire des sociétés humaines — la crise écologique et les changements climatiques — est causée en grande partie par le fait que le secteur névralgique de l’énergie a été laissé aux mains de grandes entreprises fossiles, qui l’ont alors réduit à une occasion d’affaires, en dépit des conséquences écologiques de cette approche. Le développement des bien mal nommées « énergies renouvelables », qui demeurent dépendantes de ressources rares, doit au contraire absolument être affranchi de la logique de profitabilité et orienté vers la transition énergétique ainsi que la diminution de la demande énergétique. »

« La plus grave crise de l’histoire des sociétés humaines — la crise écologique et les changements climatiques — est causée en grande partie par le fait que le secteur névralgique de l’énergie a été laissé aux mains de grandes entreprises fossiles, qui l’ont alors réduit à une occasion d’affaires, en dépit des conséquences écologiques de cette approche. Le développement des bien mal nommées « énergies renouvelables », qui demeurent dépendantes de ressources rares, doit au contraire absolument être affranchi de la logique de profitabilité et orienté vers la transition énergétique ainsi que la diminution de la demande énergétique. »

Colin Pratte

Chercheur, Institut de recherche et d’informations socioéconomiques

« La plus grave crise de l’histoire des sociétés humaines — la crise écologique et les changements climatiques — est causée en grande partie par le fait que le secteur névralgique de l’énergie a été laissé aux mains de grandes entreprises fossiles, qui l’ont alors réduit à une occasion d’affaires, en dépit des conséquences écologiques de cette approche. Le développement des bien mal nommées « énergies renouvelables », qui demeurent dépendantes de ressources rares, doit au contraire absolument être affranchi de la logique de profitabilité et orienté vers la transition énergétique ainsi que la diminution de la demande énergétique. »

« La plus grave crise de l’histoire des sociétés humaines — la crise écologique et les changements climatiques — est causée en grande partie par le fait que le secteur névralgique de l’énergie a été laissé aux mains de grandes entreprises fossiles, qui l’ont alors réduit à une occasion d’affaires, en dépit des conséquences écologiques de cette approche. Le développement des bien mal nommées « énergies renouvelables », qui demeurent dépendantes de ressources rares, doit au contraire absolument être affranchi de la logique de profitabilité et orienté vers la transition énergétique ainsi que la diminution de la demande énergétique. »

Colin Pratte

Chercheur, Institut de recherche et d’informations socioéconomiques

« Le projet de loi n°69 promet une transition énergétique, mais derrière les mots se cachent des choix qui sacrifient la décarbonation sur l’autel de l’industrialisation. Alors que le gaz fossile continue de polluer, c’est l’ensemble de la société qui en paie le prix, surtout les plus vulnérables, avec des impacts sanitaires et sociaux alarmants. Tant qu’on continue à brûler du gaz, on joue avec le feu. »

« Le projet de loi n°69 promet une transition énergétique, mais derrière les mots se cachent des choix qui sacrifient la décarbonation sur l’autel de l’industrialisation. Alors que le gaz fossile continue de polluer, c’est l’ensemble de la société qui en paie le prix, surtout les plus vulnérables, avec des impacts sanitaires et sociaux alarmants. Tant qu’on continue à brûler du gaz, on joue avec le feu. »

Emmanuelle Rancourt

Coordonnatrice, Coalition Sortons le Gaz!

« Le projet de loi n°69 promet une transition énergétique, mais derrière les mots se cachent des choix qui sacrifient la décarbonation sur l’autel de l’industrialisation. Alors que le gaz fossile continue de polluer, c’est l’ensemble de la société qui en paie le prix, surtout les plus vulnérables, avec des impacts sanitaires et sociaux alarmants. Tant qu’on continue à brûler du gaz, on joue avec le feu. »

« Le projet de loi n°69 promet une transition énergétique, mais derrière les mots se cachent des choix qui sacrifient la décarbonation sur l’autel de l’industrialisation. Alors que le gaz fossile continue de polluer, c’est l’ensemble de la société qui en paie le prix, surtout les plus vulnérables, avec des impacts sanitaires et sociaux alarmants. Tant qu’on continue à brûler du gaz, on joue avec le feu. »

Emmanuelle Rancourt

Coordonnatrice, Coalition Sortons le Gaz!

« Là où le gouvernement du Québec voit un besoin quant à l’accélération des projets énergétiques par la réduction de contraintes entourant les activités d’Hydro-Québec et par la permission de production privée d’énergie, nous observons, chez Équiterre, un effritement du caractère collectif de notre gouvernance énergétique permettant la reproduction d’un modèle de consommation durable. »

« Là où le gouvernement du Québec voit un besoin quant à l’accélération des projets énergétiques par la réduction de contraintes entourant les activités d’Hydro-Québec et par la permission de production privée d’énergie, nous observons, chez Équiterre, un effritement du caractère collectif de notre gouvernance énergétique permettant la reproduction d’un modèle de consommation durable. »

Charles-Edouard Têtu

Analyste, Équiterre

« Là où le gouvernement du Québec voit un besoin quant à l’accélération des projets énergétiques par la réduction de contraintes entourant les activités d’Hydro-Québec et par la permission de production privée d’énergie, nous observons, chez Équiterre, un effritement du caractère collectif de notre gouvernance énergétique permettant la reproduction d’un modèle de consommation durable. »

« Là où le gouvernement du Québec voit un besoin quant à l’accélération des projets énergétiques par la réduction de contraintes entourant les activités d’Hydro-Québec et par la permission de production privée d’énergie, nous observons, chez Équiterre, un effritement du caractère collectif de notre gouvernance énergétique permettant la reproduction d’un modèle de consommation durable. »

Charles-Edouard Têtu

Analyste, Équiterre

« C’est de la pensée magique! On s’est fait monter un beau grand bateau! Ils ont vu la crise climatique comme une opportunité de faire du développement intensif. On priorise le secteur industriel à la décarbonation. »

« C’est de la pensée magique! On s’est fait monter un beau grand bateau! Ils ont vu la crise climatique comme une opportunité de faire du développement intensif. On priorise le secteur industriel à la décarbonation. »

Jean-Pierre Finet

Analyste, Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROEÉ)

« C’est de la pensée magique! On s’est fait monter un beau grand bateau! Ils ont vu la crise climatique comme une opportunité de faire du développement intensif. On priorise le secteur industriel à la décarbonation. »

« C’est de la pensée magique! On s’est fait monter un beau grand bateau! Ils ont vu la crise climatique comme une opportunité de faire du développement intensif. On priorise le secteur industriel à la décarbonation. »

Jean-Pierre Finet

Analyste, Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROEÉ)