9 août 2024

Dre Melissa Lem : Le renversement de l’interdiction du gaz à Vancouver trahit nos valeurs et notre santé

Opinion : En devenant la première municipalité du Canada à annuler un règlement visant à intégrer des énergies propres dans les nouvelles habitations, Vancouver n’est plus un leader en matière de lutte contre le réchauffement climatique, mais plutôt un retardataire.

Version originale, en anglais

 

La semaine dernière, alors que Valemount ouvrait ses portes à des milliers d’évacués fuyant les feux de forêt de Jasper, Vancouver claquait la porte au progrès climatique. Par six voix contre cinq, le conseil municipal a brusquement renversé le règlement municipal de longue date interdisant le chauffage au gaz naturel dans les nouvelles habitations.

 

À peine trois ans après qu’un îlot de chaleur ait tué cent dix-sept personnes à Vancouver seulement, cette atteinte à notre droit de participer à la vie politique municipale, et à notre droit à un environnement sain, bafoue nos valeurs civiques et notre santé.

En 2020, après des mois de consultation avec des organisations représentant plus de cinquante mille personnes, le conseil municipal a voté en faveur du chauffage des bâtiments et de l’eau chaude sans émissions dans les nouveaux logements. Sous la pression du lobby du gaz, un délai de mise en œuvre d’un an a ensuite été proposé par le personnel de la ville lors d’une réunion en 2021, lors de laquelle des dizaines d’intervenants ont exprimé leur opposition. Heureusement, nos efforts ont renforcé la volonté initiale des membres du conseil municipal d’exclure les combustibles fossiles polluants des nouvelles habitations.

 

La manière dont le maire et le conseil municipal ont imposé leur décision de revenir à des technologies plus anciennes et moins efficaces contraste fortement avec le décret de 2020. À la surprise générale, après un amendement de dernière minute suivant le rapport annuel de la ville sur les progrès réalisés en matière d’action climatique – qui, ironiquement, décrivait notre incapacité à atteindre nos objectifs climatiques -, le public et les experts de l’industrie n’ont pas eu l’opportunité d’intervenir. L’engagement en temps réel, qui aurait rendu l’adoption de la motion politiquement difficile, a été interrompu. Ce n’est pas ainsi que les décisionnaires chargés de représenter leur électorat devraient se comporter.

 

La confiance envers les institutions publiques qu’elles agissent au mieux de nos intérêts est un facteur déterminant de la santé. Les recherches montrent que plus de la moitié des jeunes dans le monde signalent des problèmes de santé mentale, notamment de tristesse, d’anxiété, de colère et d’impuissance, liés aux changements climatiques, et que les trois quarts d’entre eux déclarent que « l’avenir est effrayant ». Ce qui préoccupe le plus les jeunes, cependant, ce ne sont pas les effets réels du changement climatique, mais leur conviction que les adultes et les gouvernements ne font pas assez pour les combattre. Malheureusement, ce vote semble leur donner raison. Non seulement ce récent vote annule des progrès significatifs déjà réalisés par le personnel municipal et l’industrie en matière de bâtiments écologiques et de lutte aux changements climatiques, mais il porte également atteinte à la démocratie et à la confiance accordée au gouvernement.

 

L’accès à un logement sûr et abordable est également un facteur déterminant pour la santé. Pourtant, contrairement aux arguments utilisés par le maire et certains membres du conseil municipal – qui reflètent de près ceux de l’industrie des combustibles fossiles – les analyses d’organismes crédibles tels que B.C. Hydro, B.C. Housing et le personnel municipal indiquent que le retour du gaz fossile dans les nouveaux bâtiments n’améliorera en rien l’accessibilité financière pour les acheteurs immobiliers. En revanche, la Homebuilders Association of Vancouver a fait l’éloge de cette mesure dans le communiqué de presse du maire, peut-être parce qu’elle profite à de riches promoteurs tout en transférant les coûts énergétiques futurs plus élevés aux propriétaires.

 

Le bureau du maire affirme également : « Alors que les changements climatiques entraînent des phénomènes météorologiques plus violents, il est crucial de disposer de plusieurs options énergétiques. » Malheureusement, si une catastrophe météorologique interrompt l’alimentation en électricité, les chaudières à gaz, qui dépendent de l’électricité pour fonctionner en toute sécurité, ne fonctionneront pas. Cuisiner au gaz pendant une panne d’électricité peut être encore plus dangereux, car les hottes de cuisine nécessaires pour éliminer les polluants atmosphériques nocifs pour la santé, ainsi que de nombreux détecteurs de monoxyde de carbone, ne fonctionneront pas. Pendant les vagues de chaleur, les chaudières à gaz sont tout aussi inutiles, alors que les pompes à chaleur électriques peuvent chauffer et refroidir avec une meilleure efficacité énergétique, ce qui sauvera des vies. Il faut également investir davantage dans les panneaux solaires et les systèmes de stockage de batteries, qui améliorent la résilience climatique en alimentant les maisons en cas de défaillance du réseau énergétique – et pour lesquels B.C. Hydro a mis en place ce mois-ci des remises pouvant aller jusqu’à 10 000 dollars.

 

Entre-temps, les effets négatifs des énergies fossiles dans les logements sur la santé publique ne cessent d’augmenter. Le chauffage des bâtiments génère près de 60 % de la pollution carbonée de Vancouver, alimentant les incendies de forêt induits par les changements climatiques et les températures extrêmes qui pèsent sur notre santé et notre système de soins en raison des exacerbations de l’asthme, des coups de chaleur et des problèmes de santé mentale.

 

En devenant la première municipalité du Canada à annuler un règlement visant à intégrer des énergies propres dans les nouvelles habitations, Vancouver n’est plus un leader en matière de lutte contre le réchauffement climatique, mais plutôt un retardataire. Alors que le personnel municipal travaille à la mise en œuvre de ce retournement de situation en matière de lutte aux changements climatiques et se prépare à présenter un rapport d’ici novembre, nous devons être prêts à nous mobiliser pour défendre notre santé et un avenir vivable. Cet automne, nos voix ne seront pas réduites au silence.

 

 

Melissa Lem est médecin de famille à Vancouver, professeure clinique adjointe à l’Université de la Colombie-Britannique et présidente de l’Association canadienne des médecins pour l’environnement.

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